Résumé
A partir du VIIIe siècle, les savants des pays d’Islam vont découvrir l’astronomie grecque, et tout naturellement, leur expansion dans le monde gréco-romain va les mettre en contact avec les cadrans solaires.
Après une période d’assimilation, ces savants vont apporter à la gnomonique des perfectionnements déterminants, et mettre le cadran solaire au service de l’Islam. On doit bien mesurer à quel point l’Islam a modifié la perception des cadrans solaires : désormais, ces objets ne sont plus seulement des indicateurs assez vagues des heures de la journée comme chez les Romains, où le côté « prestige » était bien souvent la fonction essentielle. Les astronomes des pays d’Islam demandent aux cadrans solaires d’indiquer avec précision les instants des prières en un lieu précis, de sorte qu’il n’est plus question de se contenter de tracés empiriques et approximatifs, ou de déplacer un cadran calculé pour une autre ville. Il faut de la rigueur, et ceci ne peut se faire qu’à l’aide de méthodes mathématiques et astronomiques sophistiquées.
Selon la bibliographie al-Fihrist de al-Nadim (mort à la fin du Xe siècle), la liste est longue des savants prestigieux qui ont écrit aux premiers siècles de l’Islam sur les cadrans solaires et leurs usages ; citons Habash, Banu al-Sabbah, al-Farghani, al-Mahani. Bien plus tard, on trouve également quantité d’auteurs de la période mamelouk qui ont traité des cadrans solaires, parmi lesquels il faut mentionner al–Marrakushi (originaire de l’Occident musulman) qui travaillait au Caire au XIIIe siècle avec son célèbre Traité des instruments astronomiques, ouvrage majeur de la gnomonique arabe, ou encore les tables gnomoniques de son contemporain cairote al-Maqsi ou encore Ibn al-Sarraj, un des plus importants spécialistes de ces instruments de la mesure du temps. Dans leurs écrits, tous ces auteurs traitent des cadrans les plus divers: horizontaux, verticaux, inclinés, cylindriques, coniques, cadrans portatifs, etc. Beaucoup de ces traités dorment dans des bibliothèques en attendant qu’on les étudie un jour…
L’étude mathématique des cadrans solaires a constitué assez tôt une discipline dont les spécialistes étaient désignés par un terme propre (ashab al-azlal selon l’expression de Ibn al-Haytham) et reconnus comme artisans. On possède donc dès le IXe siècle des tables et des ouvrages qui traitent du calcul des cadrans, comme celles des astronomes de Bagdad al–Khwarizmi (780 -850) et Thabit ibn Qurra (836-901).
L’ouvrage de ce dernier, Oeuvres d’astronomie, contient deux chapitres très importants sur la gnomonique qui en font est un des plus anciens traités en langue arabe sur le sujet.
On pense que des milliers de cadrans ont été construits à partir du IXe siècle dans le monde islamique, mais beaucoup ont disparu (comme celui de la mosquée Ibn Tulum au Caire qui date de 1296 et que l’on ne connaît que par une gravure) ou ne sont pas recensés. Cette profusion procède d’un des traits majeurs de la gnomonique arabo-islamique qui est justement son lien très fort avec la religion, lien qui s’explique par la définition dans l’Islam des instants de prière en terme de variation de la longueur de l’ombre.
L’expansion de la gnomonique des pays d’Islam en Europe via le Maghreb s’est traduite par une sorte de renouveau de la construction des cadrans solaires entre le XIIIe et le XIVe siècle en Andalus comme en témoigne par exemple le traité d’Ibn al-Raqqam qui date du XIVe siècle et qui utilise les méthodes de l’analemme.
L’architecture des périodes mamelouk et ottomane ne manque pas non plus de cadrans solaires ornant les murs et les cours des mosquées, tradition qui perdurera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Beaucoup de ces cadrans de prière constituent des oeuvres de prestige, comme en témoignent leur gravure élégante, leur recherche géométrique et ornementale. La finesse de leur sculpture, la calligraphie des lettres arabes en relief ainsi que leur rigueur mathématique font de ces cadrans solaires des chefs d’œuvre incomparables qu’il faut à tout prix de préserver.
Après une période d’assimilation, ces savants vont apporter à la gnomonique des perfectionnements déterminants, et mettre le cadran solaire au service de l’Islam. On doit bien mesurer à quel point l’Islam a modifié la perception des cadrans solaires : désormais, ces objets ne sont plus seulement des indicateurs assez vagues des heures de la journée comme chez les Romains, où le côté « prestige » était bien souvent la fonction essentielle. Les astronomes des pays d’Islam demandent aux cadrans solaires d’indiquer avec précision les instants des prières en un lieu précis, de sorte qu’il n’est plus question de se contenter de tracés empiriques et approximatifs, ou de déplacer un cadran calculé pour une autre ville. Il faut de la rigueur, et ceci ne peut se faire qu’à l’aide de méthodes mathématiques et astronomiques sophistiquées.
Selon la bibliographie al-Fihrist de al-Nadim (mort à la fin du Xe siècle), la liste est longue des savants prestigieux qui ont écrit aux premiers siècles de l’Islam sur les cadrans solaires et leurs usages ; citons Habash, Banu al-Sabbah, al-Farghani, al-Mahani. Bien plus tard, on trouve également quantité d’auteurs de la période mamelouk qui ont traité des cadrans solaires, parmi lesquels il faut mentionner al–Marrakushi (originaire de l’Occident musulman) qui travaillait au Caire au XIIIe siècle avec son célèbre Traité des instruments astronomiques, ouvrage majeur de la gnomonique arabe, ou encore les tables gnomoniques de son contemporain cairote al-Maqsi ou encore Ibn al-Sarraj, un des plus importants spécialistes de ces instruments de la mesure du temps. Dans leurs écrits, tous ces auteurs traitent des cadrans les plus divers: horizontaux, verticaux, inclinés, cylindriques, coniques, cadrans portatifs, etc. Beaucoup de ces traités dorment dans des bibliothèques en attendant qu’on les étudie un jour…
L’étude mathématique des cadrans solaires a constitué assez tôt une discipline dont les spécialistes étaient désignés par un terme propre (ashab al-azlal selon l’expression de Ibn al-Haytham) et reconnus comme artisans. On possède donc dès le IXe siècle des tables et des ouvrages qui traitent du calcul des cadrans, comme celles des astronomes de Bagdad al–Khwarizmi (780 -850) et Thabit ibn Qurra (836-901).
L’ouvrage de ce dernier, Oeuvres d’astronomie, contient deux chapitres très importants sur la gnomonique qui en font est un des plus anciens traités en langue arabe sur le sujet.
On pense que des milliers de cadrans ont été construits à partir du IXe siècle dans le monde islamique, mais beaucoup ont disparu (comme celui de la mosquée Ibn Tulum au Caire qui date de 1296 et que l’on ne connaît que par une gravure) ou ne sont pas recensés. Cette profusion procède d’un des traits majeurs de la gnomonique arabo-islamique qui est justement son lien très fort avec la religion, lien qui s’explique par la définition dans l’Islam des instants de prière en terme de variation de la longueur de l’ombre.
L’expansion de la gnomonique des pays d’Islam en Europe via le Maghreb s’est traduite par une sorte de renouveau de la construction des cadrans solaires entre le XIIIe et le XIVe siècle en Andalus comme en témoigne par exemple le traité d’Ibn al-Raqqam qui date du XIVe siècle et qui utilise les méthodes de l’analemme.
L’architecture des périodes mamelouk et ottomane ne manque pas non plus de cadrans solaires ornant les murs et les cours des mosquées, tradition qui perdurera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Beaucoup de ces cadrans de prière constituent des oeuvres de prestige, comme en témoignent leur gravure élégante, leur recherche géométrique et ornementale. La finesse de leur sculpture, la calligraphie des lettres arabes en relief ainsi que leur rigueur mathématique font de ces cadrans solaires des chefs d’œuvre incomparables qu’il faut à tout prix de préserver.
Biographie
SAVOIE DenisDenis Savoie est un astronome qui a présidé pendant vingt ans la Commission des cadrans solaires de la Société astronomique de France. Il est aujourd’hui directeur de la médiation scientifique et de l’éducation du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. Il est aussi chercheur associé au département Systèmes de référence temps-espace (Syrte) à l’Observatoire de Paris et membre correspondant de l’Académie Internationale d’Histoire des Sciences. Spécialiste des cadrans solaires, en particulier de leur théorie et de leur histoire, Denis Savoie a publié de très nombreux articles de gnomonique et publié plusieurs ouvrages et articles qui sont considérés comme des références en la matière.
Publications :
Les cadrans solaires, tout comprendre pour les construire, éd. Belin Pour la Science, Paris, 2015
Recherches sur les cadrans solaires, coll. De Divertis Artibus, Brépols, 2014
Sundials : Design, Construction, and Use, Springer, Berlin, Heidelberg, New York, 2009
La Gnomonique, Les Belles lettres, coll. « L’Âne d’or », Paris, 2007
Publications :
Les cadrans solaires, tout comprendre pour les construire, éd. Belin Pour la Science, Paris, 2015
Recherches sur les cadrans solaires, coll. De Divertis Artibus, Brépols, 2014
Sundials : Design, Construction, and Use, Springer, Berlin, Heidelberg, New York, 2009
La Gnomonique, Les Belles lettres, coll. « L’Âne d’or », Paris, 2007